Owain l'Indécis

Le louveteau allait de rocher en rocher pour atteindre celui où son père s'était allongé. A ne rien faire en particulier.
"Oncle Kernöd est contrarié, père." souffla le jeune garou.
Owain ne réagit guère, laissant le silence prendre ses aises, comme ignorant le petit. Ce dernier ne s'en offusqua pas... S'installant non loin de lui. La vue était belle.
"Il ne te laissera pas repartir comme tu l'entends, la prochaine fois que tu viendras..." Poursuivit le jeune.
"Quelle originalité." Commenta seulement Owain.
Mentalement, il compta : Kernöd était le quatrième de ses frères - un cadet, celui-là - à jouer au dominant, et à exiger qu'il le considère comme tel. Ce dont il n'avait pas particulièrement envie. Une seule de ses sœurs avait une fois pris la tête de la meute... Sans rien exiger de lui. Elle s'était bien débrouillée pendant quelques décennies, jusqu'à ce qu'un loup sans meute et plus âgé ne revendique la place. L'obtienne. Puis s'agace de l'indifférence du Loup Blanc à son égard. Cela c'était fini sur des louveteaux orphelins de père et une mère très amusée par cela chose. Eryndé avait même fait des cookies - une recette terrestre apprise de leur mère - à Owain pour l'occasion.

"Mère espère que tu vas bien." Tenta le louveteau, l'air de rien.
Il n'eut qu'un coup d’œil moqueur pour réponse. La louve dont il était question avait fortement apprécié d'être la seule compagne du Loup Blanc. Jusqu'à ce qu'elle réalise qu'une fois l'accouplement passé il ne lui avait presque plus accordé d'attention - même pas un bouquet de fleurs des montagnes -, alors même qu'elle mettait au monde ses descendants, il y avait cinq décennies de cela. Certains louveteaux avaient imité leur mère, dans sa rancœur envers Owain. Quelques uns s'étaient contentés de l'ignorer, quoique faisant parfois montre de curiosité à son égard... Et un l'admirait il lui semblait, perdu dans le lot. Le petit présent faisait parti des curieux insistants. A la recherche d'attention, selon toute vraisemblance.

A la tombée du jour, l'enfant était parti... Owain se leva, et descendit le flanc de la montagne. Allant retrouver la meute. Kernöd l'accueillit avec toutes sa hargne de dominant mécontent. S'en suivirent de nombreux coups sous les regards attentifs des autres loups. Le Loup Blanc expérimenta, cependant : au lieu de frapper jusqu'à lui avoir briser tous les os du corps, il posa cette question, chaque fois que son cadet était à terre, "Peux-tu te relever ?", suggestion de Nioclas et de son malaise vis-à-vis des frères qu'Owain avait "calmé" par une mort brutale. Après trois "oui" - exprimé sous la forme de tentative d'étranglement, d'éviscération et de castration -, Kernöd ne bougea plus, étendu par terre. Il respirait encore, du moins. Son aîné le traîna dans un ruisseau. Depuis, il n'a plus été revu de ce côté-ci des Montagnes Gorloyse.

Nioclas tomba - pas littéralement - sur Owain quand celui-ci revint sans le corps de son cadet.
"Est-il encore vivant ?" demanda l'homme de petite taille.
"Assez pour faire des bulles dans l'eau." Répondit le nouveau - enfin, qui l'a déjà été mais ne l'était plus et l'est à nouveau - chef de meute.
Nioclas fut horrifié.
"Je l'ai mis sur le dos." Rajouta le garou blanc.
Un soupir d'agacement et de soulagement mêlés parvint à ses oreilles. Un petit corps pour un grand cœur bien encombrant. Songea - et pas pour la première fois - l'albinos. Et dont il bénéficiait sans gêne, alors que, s'asseyant, Nioclas se mit à l'inspecter sous toutes les coutures : la douleur était le problème des autres, mais pas les membres cassés, démis, et autres joyeusetés que vaut à Owain le moindre combat, la moindre chute mal réceptionnée... En réalité, si le garou avait vécu aussi longtemps, ce devait être en partie à la présence du petit homme.

Nioclas était plus ancien qu'Owain. Ayant vaincu sur terre comme une curiosité, tout en engrangeant de son mieux des connaissances - c'était cela ou mettre fin à ses jours, avait-il un jour avoué -, jusqu'à être mordu par un garou se croyant comique - "Je t'offre une vie de nain immortel !' -, il bien érudit en comparaison du jeune albinos qui avait appris sur le tas, entre deux escapades, parmi plus d'une quinzaine de frères et sœurs : la purge avait coûté à la meute de nombreux individus, dont le premier compagnon de la mère de l'albinos. En sécurité sur les plans avec les siens, la louve n'avait pas tardé à avoir une nouvelle descendance, afin d'asseoir sa domination... Jusqu'à ce qu'un loup extérieur ne la mette à mort et prenne sa place. S'en était suivi le début de la confusion hiérarchique qui règne depuis : les louveteaux n'ayant plus le lien maternel pour les retenir, avaient fondu sur l'usurpateur. Un avait pris la tête. N'avait pas supporté l'indifférence de son frère albinos à son égard, et... La suite se devinait aisément, puisqu'Owain était encore de ce monde.

Pour en revenir à Nioclas, le petit homme avait rencontré la mère du Loup Blanc peu de temps avant la purge, et la fuite vers les plans d'Iclésius. Par ses connaissances de guérisseur, il avait gagné sans mal les bonnes grâces de la dominante, alternant entre la surveillance de la santé des siens et la découverte des plans durant les temps de stabilité - au sein de la meute - qui suivirent. Physiquement, il ne chercha pas à dominer. En terme de connaissances, cela ne faisait aucun doute, d'autant qu'il tâcha de suivre de son mieux les progrès dans divers domaines sur terre...

Mais les deux premiers frères d'Owain à mener le groupe apprécièrent de le rabaisser. Et puis, sans raison apparente, après avoir tué le deuxième d'entre eux, le garou blanc décréta que se moquer du nain n'était plus à la mode. Cela poussa ce dernier à s'intéresser, outre l'état physique, à l'esprit de l'albinos. Alors que celui-ci n'avait rien demandé... Mais il ne repoussa pas le guérisseur pour autant. L'aide d'un tiers - s'y connaissant - pour remettre ses os en place était appréciable.

Quelques jours après le 'départ' de Kernöd, Owain prit congé de sa meute, allant en un des lieux bien à lui : une cabane perdue dans les rochers... Et la maison isolé d'un vieux couple : une sorcière en fin de vie... Et son époux enfant de la lune. Après un temps de silence et d'observations, tous deux avaient décidé que l'albinos n'était pas une menace... Ni une gêne, d'ailleurs. L'enfant de la lune en venant à initier le garou à diverses choses, dont le travail du bois : un peu de visite, même de la sienne, n'était pas pour leur déplaire.